Un canon mal réglé

à Gèdre-dessus

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François Pujo nous envoie ce cliché (photo 2015) d’un vieux canon pris au hameau de Gèdre-dessus. Nous allons vous raconter son histoire assez amusante.

Le beau village de Gèdre a fusionné en 2016 avec la commune de Gavarnie. Gèdre-dessus en est un des hameaux.

Voici un plan de situation réalisé à l’aide de la belle maquette du musée « Millaris ».

Pour réaliser cette page, outre les précieux renseignements apportés par François Pujo, nous avons utilisé les articles publiés dans la revue « En païs de Baredyo » n° 1 (1er trimestre 1976) par le colonel DRUENE ainsi qu’un intéressant article publié le 9 mars 2013 par l’excellent site agnouede.fr que nous remercions.

Le canon de Gèdre.  Signalé dans le pays en septembre 1793. Le canon de Gèdre est situé sur la route de Gèdre-dessus où il est posé sur un socle de béton. En réalité un demi-canon car il est coupé au niveau des tourillons. Rondou raconte que lors de la visite du préfet M. Garnier le 3 août 1864 (certainement pour inaugurer la route carrossable jusqu’à Gavarnie) de braves garçons du pays voulurent tirer un coup de canon en l'honneur du visiteur. Ils remplirent le canon de poudre noire et au départ du coup, trop chargé, le canon se coupa en deux et la partie arrière atterrit sur le toit de la maison de l'autre côté du gave. Des débris de toutes sortes arrosèrent le convoi mais il n'y eut pas de blessés. Le canon est situé sur une propriété privée et n’est pas visible de la route, aussi nous ne vous donnons pas plus de détails pour ne pas importuner les propriétaires.

En réalité, il ne faut pas parler d’un canon mais des deux canons de Gèdre.

Dans la revue locale en Baredyio citée ci-dessus, on apprend l'origine des canons : « Tout commence en septembre 1792, dans les délibérations du conseil Général de la commune de Luz, les conseillers s'inquiètent. Le procureur sindic du district d'Argelès vient d'écrire au procureur de la commune pour « appeler le canton à se prémunir contre une incursion subite que les Espagnols ». Dans les délibérations du conseil Général de la commune de Luz, le 13 mai 1793, une alerte sous la forme d'un rapport verbal est lancée aux conseillers. Le nommé Bernard Peyou Courtade habitant de Gavarnie rapporte des constations alarmantes faites par deux Français de retour d'Aragon. Il annonce « une redoute qu'ils ont pratiqué à l'entrée de Brotou » avec trois canons postés, ainsi qu'une avant-garde à Boucharo. Dès le mois de mai 1793, une fausse alerte peut-être provoquée d'ailleurs par les autorités montra « la hauteur à laquelle l'esprit public des administrés est généralement monté » comme le demandait le procureur général syndic des Hautes-Pyrénées à son collège de Pau. « J'ai vu hier que nous aurions fait marcher 30 000 hommes dans 24 heures, j'ai vu tous les habitants des campagnes se porter à Tarbes, et à Lourdes sans aucune réquisition et à la seule nouvelle de l'alarme, tout le pays de montagne était armé, la route de Barèges ne pouvait contenir tous les hommes qui se portaient à la frontière. La garde nationale au lieu de 200 hommes nous en forma 500, il partit de Lourdes 2000 hommes. Mais le 27 juin 1793, les Espagnols brûlent deux maisons à Peyrenère au sud de Canfranc, au début de juillet ils enlèvent le petit camp de Casa de Brousset dans la vallée d'Ossau et prennent 200 béarnais prisonniers. » Cette alerte correspond en vallée de Barèges à la levée de troupes de volontaires dès juin 1793. Druene énumère les ports où sont postées des avant-gardes tout en expliquant la faible importance des escarmouches : « C'est là qu'est établie la réserve des grands- gardes postées à Héas, à Coumélie , à Gavarnie avec avant-postes au port de la Canaou , au Port Vieux. Ce fut d'abord la garde Nationale de la Vallée, puis les bataillons de Volontaires ,1° d'Argelès réuni aux Aurois dans une demi-brigade de montagne, le 2e d'Argelès et des bataillons d'infanterie légère qui défendit notre secteur. En fait, sauf l'épisode de la mort de Motte de Peyrouse tué près du Port Bieil d'Estaubé, on connaît mal les escarmouches de faible importance qui animèrent la frontière. Le regretté Rivière Sacaze de Lus m'avait raconté qu'à une attaque espagnole contre le port de Gavarnie s'était distingué un capitaine de la garde nationale de Luz « Eth petit Bario » allant à cheval sous le feu d'un poste à l'autre. J'ai vérifié que cela lui valut d'être convoqué par le préfet avec son lieutenant-colonel d'Estrade pour faire partie de la garde d'honneur à cheval qui escorta Napoléon lors de son passage à Tarbes. L'historique des chasseurs de Barbastro mentionne une incursion française arrêtée devant Torla et c'est tout ce que j'ai pu trouvé de certain sur ce calme secteur. »


Voici le passage qui concerne les deux pièces de canon de Gèdre et à l'amusante anecdote de Rondou :

« Le conventionnel Féraud qui sera massacré à Paris en défendant la Convention contre les émeutiers anime la défense , il conduira une offensive jusqu'à Plan sur le chemin de Bielsa. Son rapport de septembre 1793 signale la présence de deux pièces à Gèdre, le canon qui y est toujours et un autre plus petit. Comment sont-ils venus ? Sans doute sur des affûts, traîneaux réglementaires analogues à ceux qui servirent à passer les canons de Bonaparte au St Bernard, mais si on se rapporte au dessin du fragile pont de Sia de cette époque, on comprend combien fut difficile ce passage ainsi que celui du rude sentier par lequel ils gagnèrent l'éperon d'où est visible la vallée entière, sur lequel fut hissé le canon. Selon le témoignage des gens du turon , la tradition rapporte que l'un des chevaux d'attelage tomba mort, épuisé par l'effort fourni en arrivant au pied de la plateforme encore visible où les pièces furent mises en batterie. J'avais demandé au regretté M Rondou ce qu'il savait sur le canon, il eut la bonté de m'adresser l'humoristique récit qui suit : « Plus tard mais quelle date , je ne sais on voulut récupérer ces pièces et les faire rapporter à Lourdes, mais le retour de l'une cause de tels tracas et déboires qu'on abandonna l'autre sur place. Elle servait qu'un personnage d'importance visitait la vallée, on tirait un coup de canon en son honneur. Le 3 août 1864, le Préfet du département M. Garnier, venait inaugurer la route carrossable de Gèdre à Gavarnie qu'on venait de construire. Pour l'honorer, on voulut le gratifier d'un coup de canon. Des artilleurs improvisés introduisirent dans la pièce une charge colossale de poudre et par-dessus des mottes de gazon bien tassées avec un refouloir ad hoc. Quand les vedettes annoncèrent l'apparition du cortège, on mit le feu, on s'échappe. La pauvre pièce était bien embarrassée pour savoir de quel côté elle devait se décharger ?  Tout à coup, elle éclata dans un bruit effroyable, une partie de la culasse (environ 80 kg) alla tomber dans la maison Bourg (à 200 m sur la rive gauche du gave). Des débris de diverses sortes arrosèrent le cortège, hasard heureux, personne ne fut blessé. Le fut s'allongea un peu au-dessous de la batterie, il y gît toujours. ».

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