En réalité, il ne faut pas parler d’un canon mais des deux canons de Gèdre.
Dans la revue locale en Baredyio citée ci-dessus, on apprend l'origine des canons
: « Tout commence en septembre 1792, dans les délibérations du conseil Général de
la commune de Luz, les conseillers s'inquiètent. Le procureur sindic du district
d'Argelès vient d'écrire au procureur de la commune pour « appeler le canton à se
prémunir contre une incursion subite que les Espagnols ». Dans les délibérations
du conseil Général de la commune de Luz, le 13 mai 1793, une alerte sous la forme
d'un rapport verbal est lancée aux conseillers. Le nommé Bernard Peyou Courtade habitant
de Gavarnie rapporte des constations alarmantes faites par deux Français de retour
d'Aragon. Il annonce « une redoute qu'ils ont pratiqué à l'entrée de Brotou » avec
trois canons postés, ainsi qu'une avant-garde à Boucharo. Dès le mois de mai 1793,
une fausse alerte peut-être provoquée d'ailleurs par les autorités montra « la hauteur
à laquelle l'esprit public des administrés est généralement monté » comme le demandait
le procureur général syndic des Hautes-Pyrénées à son collège de Pau. « J'ai vu hier
que nous aurions fait marcher 30 000 hommes dans 24 heures, j'ai vu tous les habitants
des campagnes se porter à Tarbes, et à Lourdes sans aucune réquisition et à la seule
nouvelle de l'alarme, tout le pays de montagne était armé, la route de Barèges ne
pouvait contenir tous les hommes qui se portaient à la frontière. La garde nationale
au lieu de 200 hommes nous en forma 500, il partit de Lourdes 2000 hommes. Mais le
27 juin 1793, les Espagnols brûlent deux maisons à Peyrenère au sud de Canfranc,
au début de juillet ils enlèvent le petit camp de Casa de Brousset dans la vallée
d'Ossau et prennent 200 béarnais prisonniers. » Cette alerte correspond en vallée
de Barèges à la levée de troupes de volontaires dès juin 1793. Druene énumère les
ports où sont postées des avant-gardes tout en expliquant la faible importance des
escarmouches : « C'est là qu'est établie la réserve des grands- gardes postées à
Héas, à Coumélie , à Gavarnie avec avant-postes au port de la Canaou , au Port Vieux.
Ce fut d'abord la garde Nationale de la Vallée, puis les bataillons de Volontaires
,1° d'Argelès réuni aux Aurois dans une demi-brigade de montagne, le 2e d'Argelès
et des bataillons d'infanterie légère qui défendit notre secteur. En fait, sauf l'épisode
de la mort de Motte de Peyrouse tué près du Port Bieil d'Estaubé, on connaît mal
les escarmouches de faible importance qui animèrent la frontière. Le regretté Rivière
Sacaze de Lus m'avait raconté qu'à une attaque espagnole contre le port de Gavarnie
s'était distingué un capitaine de la garde nationale de Luz « Eth petit Bario » allant
à cheval sous le feu d'un poste à l'autre. J'ai vérifié que cela lui valut d'être
convoqué par le préfet avec son lieutenant-colonel d'Estrade pour faire partie de
la garde d'honneur à cheval qui escorta Napoléon lors de son passage à Tarbes. L'historique
des chasseurs de Barbastro mentionne une incursion française arrêtée devant Torla
et c'est tout ce que j'ai pu trouvé de certain sur ce calme secteur. »
Voici le passage qui concerne les deux pièces de canon de Gèdre et à l'amusante anecdote
de Rondou :
« Le conventionnel Féraud qui sera massacré à Paris en défendant la Convention contre
les émeutiers anime la défense , il conduira une offensive jusqu'à Plan sur le chemin
de Bielsa. Son rapport de septembre 1793 signale la présence de deux pièces à Gèdre,
le canon qui y est toujours et un autre plus petit. Comment sont-ils venus ? Sans
doute sur des affûts, traîneaux réglementaires analogues à ceux qui servirent à passer
les canons de Bonaparte au St Bernard, mais si on se rapporte au dessin du fragile
pont de Sia de cette époque, on comprend combien fut difficile ce passage ainsi que
celui du rude sentier par lequel ils gagnèrent l'éperon d'où est visible la vallée
entière, sur lequel fut hissé le canon. Selon le témoignage des gens du turon , la
tradition rapporte que l'un des chevaux d'attelage tomba mort, épuisé par l'effort
fourni en arrivant au pied de la plateforme encore visible où les pièces furent mises
en batterie. J'avais demandé au regretté M Rondou ce qu'il savait sur le canon, il
eut la bonté de m'adresser l'humoristique récit qui suit : « Plus tard mais quelle
date , je ne sais on voulut récupérer ces pièces et les faire rapporter à Lourdes,
mais le retour de l'une cause de tels tracas et déboires qu'on abandonna l'autre
sur place. Elle servait qu'un personnage d'importance visitait la vallée, on tirait
un coup de canon en son honneur. Le 3 août 1864, le Préfet du département M. Garnier,
venait inaugurer la route carrossable de Gèdre à Gavarnie qu'on venait de construire.
Pour l'honorer, on voulut le gratifier d'un coup de canon. Des artilleurs improvisés
introduisirent dans la pièce une charge colossale de poudre et par-dessus des mottes
de gazon bien tassées avec un refouloir ad hoc. Quand les vedettes annoncèrent l'apparition
du cortège, on mit le feu, on s'échappe. La pauvre pièce était bien embarrassée pour
savoir de quel côté elle devait se décharger ? Tout à coup, elle éclata dans un
bruit effroyable, une partie de la culasse (environ 80 kg) alla tomber dans la maison
Bourg (à 200 m sur la rive gauche du gave). Des débris de diverses sortes arrosèrent
le cortège, hasard heureux, personne ne fut blessé. Le fut s'allongea un peu au-dessous
de la batterie, il y gît toujours. ».