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Ibos : une église qui pousse dans la nuit

Dans chacune des provinces de France, il est un coin du pays prédestiné, à tort ou raison, à la sottise. C’est ainsi qu’en Bigorre, les prétendus naïfs d’Ibos sont légendaires par leurs fabuleuses et cocasses aventures.

Il y a longtemps, les bourgeois de Tarbes, appauvris par les troubles de la guerre de cent ans étaient devenus jaloux de la prospérité agricole des paysans leurs voisins. Ce qui mit leur comble à leur jalousie, c’est que les gens d’Ibos venaient de faire construire leur église par l’architecte qui venait de refaire la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges. La nef splendide de l’église d’Ibos, ornée de belles verrières, offusquait l’amour-propre des Tarbais, qui se répandirent, sur ces paysans enrichis, en histoires saugrenues et en fantaisies désobligeantes.

C’est d’abord l’histoire de « l’église qui bouge ». Les Tarbais suggérèrent aux habitants d’Ibos de déplacer leur église neuve pour qu’on puisse la voir de toute la Bigorre et de la transporter sur un coteau voisin. Toute la population se met à l’ouvrage et l’on entoure la flèche principale d’un triple cordon de câbles, sur lesquels les « pépis d’Ibos » tirent avec énergie. Mais les câbles, qui sont en laine, s’allongent et se rompent, et tous les habitants d’Ibos tombent à la renverse, pêle-mêle, les uns sur les autres dans un fouillis inextricable… Meurtri et fourbu, de la main qui tâtonnait, chacun se trompait de jambes et revendiquait celles de son voisin. Passa par hasard un charretier d’Ossun. Les Ibossiens le prient très poliment de les tirer d’embarras, en les aidant à retrouver leurs jambes. « Volontiers mes amis ! » leur dit le compère et il se mit à frapper dans le tas à grands coups de fouet. Alors on voyait les habitants d’Ibos se relever en se frottant les mollets et en criant : « Celles-ci ce sont les miennes ! Celles-ci ce sont les miennes ! ».

Mais ce n’est pas tout. Encore tout penauds de cette confusion des jambes, les consuls sont convoqués à son de trompe, dans la maison commune. « Mes amis, leur dit le maire, nous n’avons pas pu hisser notre église au sommet du plateau de Ger ; il ne faut pas cependant renoncer à l’espoir de la faire admirer de tous les lieux de la Bigorre. Elevons-la si haut qu’elle domine et la plaine de Tarbes et les coteaux voisins ! »

Grand embarras et longue discussion. Alors un vieux jardinier leur dit : « Si nous traitions notre église comme je soigne mes carottes et mes choux, en portant au pied du bon et chaud fumier, pour la faire pousser et la faire grandir… » Et alors les Ibossiens de porter dans leur cimetière la litière de leurs bestiaux, tant et si bien que, trois jours après, la masse de fumier s’élevait autour des murs jusqu’à l’appui des fenêtres. Aucun résultat. Au bout de quinze jours, grandes clameurs devant le porche : le fumier ayant fermenté s’était tassé et un large espace séparait son niveau actuel de la trace apparente qu’avait laissée la litière fraîchement posée. « Voyez, dit le maire, l’église a grandi de trois empans ; attendons encore… » Mais on attendit en vain.

Alors, un dimanche, le curé, en chaire, leur tint ce discours : « Mes frères, le seul moyen de faire croître votre église est de lui donner chaud. Voyez, elle n’a poussé qu’au pied, juste à l’endroit où le fumier l’a réchauffée. Couvrons-la de haut en bas avec des tentures et des draperies… » Alors chacun des bons paroissiens d’apporter ses épargnes pour acheter des étoffes dont on encapuchonna l’église du pied des murs jusqu’à la tête du clocher. Le grand œuvre achevé, une nuit sans lune, le curé et sa gouvernante se lèvent en catimini, armés de longs ciseaux à tondre les mules, ils taillent et découpent, à bout de bras levé, une large bande de tenture tout autour de l’église. Et leur vie durant, ils eurent provision de cotillons et de soutanes. Le lendemain matin, qui était un dimanche, les bonnes gens de s’exclamer en venant à la première messe : « Alleluia ! Alleluia ! Comme notre église a grandi cette nuit ! ». Et voilà comment les pépis d’Ibos, en la fumant et en la drapant, firent pousser leur église (d’après la traduction de Xavier de Cardaillac, propos gascons)

L’église d’Ibos est une des plus belles de la région.Ce n’est pas une cathédrale (pas d’évêque). L’église fut élevée au rang de collégiale en 1342 par Philippe VI de Valois, roi de France. Elle est construite de briques et de galets roulés. La tradition locale affirme que le méridien de Greenwich passe entre les deux flèches de l’église ; à vérifier…

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