Tarbes
Connaissez-vous Gambrinus ?
Texte et collecte des documents : Daniel Mur
Au sortir de la gare de Tarbes, outre la superbe perspective qui s'ouvre sur les
Pyrénées par la rue Victor Hugo, le regard du voyageur est attiré par un bâtiment
à l'architecture improbable situé à l'angle de cette rue. Un fronton surmonté d'une
vasque, une importante arcade centrale et deux plus petites latérales, des pinacles
au-dessus de demi-rosaces sculptées, des chapiteaux surmontant des chimères à têtes
de lions en pierre rosée, sans oublier deux statues installées tout au sommet de
l'édifice... Autant d'éléments qui ne manquent pas d'interpeller le curieux. Si on
regarde plus attentivement ces statues, on pourrait y reconnaître Gambrinus, roi
mythique de Flandre, et Brabant, symbole des amateurs de bière, bien connu en Belgique,
dans le nord-est de la France et en Allemagne.
Ce bâtiment au style difficile à définir, que certains qualifient de néo-gothique,
a été édifié dans les années 1870 par un certain monsieur Muller qui avait quitté
l'Alsace et était venu ouvrir à Tarbes une brasserie originale et attractive. En
l'appelant « La Grande Taverne de Strassbourg », il y a trouvé l'opportunité d'attirer
ses compatriotes alsaciens qui arrivaient alors en masse pour travailler à l'Arsenal.
Il construit dans la foulée un hôtel le Family rue Victor-Hugo attenant à son débit
à la Taverne.
La maison Muller, appartenant au propriétaire.
M. Muller avait fait construire également la belle demeure à l'angle de la rue Maréchal-Joffre
et Bertrand-Barère. Il possédait deux autres brasseries : une à Bagnères-de-Bigorre
et l'autre à Tarbes au quartier de l'arsenal le bâtiment qui actuellement abrite
le dancing Santiago de Cuba - Rhumerie - Salsa. Le nom de ce dancing était il y a
peu « Les Voûtes » car sa configuration rappelle une cave.
Mais revenons à la Taverne de Strasbourg, face à la gare !
Au fil des ans, cette Grande Taverne a laissé place à d'autres appellations et propriétaires
et les deux Gambrinus sont toujours là-haut... Mais pour combien de temps ? Ils subissent
stoïquement les assauts des intempéries et ont déjà perdu chacun le bras droit qui
tenait leur chope.
Collection de photos anciennes
La légende de Gambrinus en Flandre française (source Wikipédia)
Gambrinus habitait à Fresnes-sur-Escaut, une petite ville des Flandres françaises,
où il exerçait le métier de carillonneur. Il était amoureux de Flandrine, la fille
de son maître, qui était verrier ; mais Flandrine n'était pas amoureuse de lui. Il
se mit à trembler, au point de ne plus pouvoir jouer, et les habitants de Fresnes
le mirent en prison pour tapage nocturne après l'avoir insulté et roué de coups.
Quand il fut libéré un mois plus tard, il voulut se suicider, mais le diable lui
proposa d'oublier Flandrine en échange de son âme qu'il viendrait chercher trente
ans plus tard. Gambrinus accepta le pacte. Il s'enrichit par des jeux d'argent, mais
il n'avait toujours pas oublié la fille du verrier.
Il rencontra de nouveau le diable, qui lui donna des graines pour planter du houblon
et lui montra comment fabriquer un carillon auquel nul ne pourrait résister. Gambrinus
organisa alors une fête où tous étaient conviés. Les habitants de Fresnes trouvèrent
la bière fort amère. Gambrinus commença alors à jouer du carillon et tout le monde
dansa jusqu'à épuisement. La vengeance de Gambrinus était accomplie. Mais les habitants
se précipitèrent sur la bière pour se rafraîchir et se rendirent compte que plus
on en buvait, plus elle était douce.
La boisson se fit connaître au-delà des frontières du pays et le roi des Flandres,
pour récompenser Gambrinus de ce succès, le nomma duc, comte et seigneur. Mais il
préféra le titre de « Roi de la bière » que lui avaient donné les habitants de Fresnes.
Peu de temps après, Flandrine se décida à lui parler, mais il ne l'avait pas reconnue
et lui offrit à boire… il l'avait oubliée.
Lorsque les trente années furent passées et que le diable revint, Gambrinus joua
du carillon jusqu'à ce que le diable trouve cela insupportable et disparaisse sans
demander son reste. Gambrinus vécut heureux cent ans encore, tout en continuant à
boire de la bière et à jouer du carillon. Lorsqu'il mourut, on retrouva à sa place
un tonneau de bière : c'est pourquoi il n'a pas de tombe.