Le Pas de Larre

Entre Lhez et Mascaras

Vers 1360, pendant ce qu'on a appelé la Guerre de Cent Ans, eut lieu entre Montgaillard et Tournay une bataille sanglante au lieu-dit « Pas de Larre ».

C'est le célèbre chroniqueur du XIVe siècle Jean Froissart qui a rapporté tous les événements concernant la Guerre de Cent Ans. Son plus beau voyage (dans les Pyrénées) est raconté dans le troisième livre de ses chroniques en 1388. Il relatait les faits essentiels de cette guerre pour un public bien ciblé : les rois, les princes, les seigneurs. Gaston Fébus accueillera Froissart à bras ouverts découvrant en lui le messager capable de le rendre immortel. On peut donc penser que ces récits ont été « enjolivés »...

Les écrits de Froissart sont en ancien français.


Jehan Froissart
Chroniques
Livre Troisième
(Voyage de Froissart en Béarn.) :

Chapitre IX
Comment la garnison du chastel de Lourdes fut ruée jus et déconfite, et de la grand'diligence que le comte de Foix fit aussi de recouvrer ledit chastel de Lourdes.
"Ainsi que je vous conte, beau maître, eut en ce temps le duc d'Anjou le chastel de Mauvoisin, dont il eut grand'joie; et le fit garder par un chevalier de Bigorre qui s'appeloit Chiquart de la Perrière. Et depuis le donna-t-il au comte de Foix, lequel le tient encore, et le tenra tant comme il vivra; et le fait bien garder par un chevalier de Bigorre, lequel est de son lignage, et le appelle-t-on Raymon des Landes. Et quand le duc d'Anjou ot la saisine de Mauvoisin, et délivré ce pays et toutes Landes-Bourg des Anglois et des pillards, il s'en vint mettre le siége devant la ville et le chastel de Lourdes. Adonc se douta grandement le comte de Foix du duc d'Anjou, pour ce que il le vouloit voir de si près et ne savoit à quoi il tendoit. Si fit le comte son mandement de chevaliers et escuyers, et puis les envoya par toutes ses garnisons; et mit son frère, messire Ernault Guillaume, en Morlens, atout deux cents lances; et son autre frère, messire Pierre de Berne, atout deux cents lances, en la ville de Pau; messire Pierre de Cabestain, en la cité de l'Eskalle, atout deux cents lances; messire Monnant de Nouvailles, en la ville de Harciel, atout cent lances; messire Ernault Geberiel en la ville de Mont-Gerbiel, atout cent lances; messire Foucaut d'Orchery en la ville de Sauveterre, atout cent lances; et moi-même, Espaing de Lyon, fus envoyé au Mont de Morsen atout deux cents lances. Et n'ot chastel en toute Berne qui ne fût bien pourvu et de bonnes gens d'armes. Et il se tint à Ortais en son chastel et de-lez ses florins. - Sire, dis-je, au chevalier, en a-t-il grand'foison? - Par ma foi, dit-il, aujourd'hui le comte de Foix en a bien par trente fois cent mille, car nul plus large grand seigneur en donner dons ne vit aujourd'hui." Lors lui demandoi-je: "Sire, et à quels gens donne-t-il ses dons?" Il me répondit: "Aux étrangers, aux chevaliers, aux écuyers, qui vont et chevauchent par son pays, à ses hérauts, à menestrels, à toutes gens qui parlent à lui. Nul ne se part sans ses dons, car qui les refuseroit il le courrouceroit. - Ha! sainte Marie! sire, dis-je, à quelle fin garde-t-il tant d'argent et d'où lui en vient tant? Sont ses revenues si grandes comme pour tout ce assouvir; je le saurois volontiers voirs, si il vous plaisoit que je le sache. - Oil, dit le chevalier, "vous le saurez. Mais vous m'avez demandé deux choses; si faut que je vous conte l'un après l'autre, et je vous délivrerai premier de la première.
"Vous m'avez demandé tout premièrement à quel fin il garde tant d'argent. Je vous dis que le comte de Foix se doute toujours, pour la guerre que il a au comte d'Ermignac et pour les envahies de ses voisins, le roi de France ou le roi d'Angleterre, lesquels il ne courrouceroit pas volontiers. Et trop bien de leur guerre il s'est sçu dissimuler jusques à ores; car oncques ne s'arma de l'une partie ni de l'autre, et est bien de l'un et de l'autre. Et vous dis, et aussi vous le direz quand l'accointance et la connoissance de lui aurez et que vous l'aurez ouï parler, et sçu l'état et l'ordonnance de son hôtel, vous verrez qu'il est aujourd'hui le plus sage prince qui vive et que nul haut seigneur, tel que le roi de France ou le roi d'Angleterre, courrouceroit le plus envis. De ses autres voisins, du roi d'Arragon ni du roi de Navarre ne fait-il compte; car il fineroit plus de gens d'armes, tant a-t-il acquis d'amis par ses dons et tant en peut-il avoir par ses deniers, que ces deux rois ne feroient à une fois ou deux. Je lui ai ouï dire que, quand le roi de Chypre fut en son pays de Berne et il lui remontra le voyage du Saint-Sépulchre, il l'enamoura si à faire un grand conquêt par delà, que si le roi de France et le roi d'Angleterre y fussent allés, après eux ce eût été le seigneur qui eût mené la plus grand'route et qui eût fait le greigneur fait. Et encore n'y renonce-t-il pas; et c'est en partie ce pourquoi il assemble et garde tant d'argent. Et le prince de Galles, du temps qu'il régna ès parties d'Aquitaine et qu'il se tenoit à Bordeaux sur Gironde, l'en mit en la voie; car pour le pays de Berne le prince le menaçoit, et disoit que il vouloit que il le relevât de lui; et le comte de Foix disoit que non feroit, et que Berne est si franche terre qu'il n'en doit hommage à nul seigneur du monde. Et le prince qui, pour ce temps, étoit grand et cremu, disoit que il le mettroit à merci. Et en eût fait aucune chose, car le comte d'Ermignac et le sire de la Breth, qui héent le comte de Foix pour les victoires qu'il a eues sur eux, lui boutoient en l'oreille; mais le voyage que le prince fit en Espagne lui rompit. Et aussi messire Jean Chandos, qui étoit tout le cœur et le conseil du prince, brisoit le propos du prince à non guerroyer le comte de Foix; et aimoit messire Jean le dit comte pour ses vaillantises. Mais le comte, qui se doutoit et qui sentoit le prince grand et chevalereux à merveilles, commença à assembler grand trésor pour lui aider et défendre si on lui eût couru sus. Si fit tailles en son pays et sur les villes qui encore y durent, et y dureront tant comme il vivra; et prend sur chacun feu par an deux francs, et le fort porte le foible; et là a-t-il trouvé et trouve encore grand avoir par an. Et tant volontiers le paient ses gens que c'est merveilles. Car, parmi ce, il n'est nul François, Anglois ni pillard qui leur fassent tort ni injure d'un seul denier; et est toute sa terre aussi sauve que chose peut être, tant y est bien justice gardée; car en justiciant c'est le plus crueulx et le plus droiturier seigneur qui vive."
A ces paroles vînmes-nous à la ville de Tournay où notre gîte s'adonnoit. Si cessa le chevalier à faire son conte, et aussi je ne lui enquis plus avant, car, bien savois là où il l'avoit laissé et que bien y pouvois recouvrer, car nous devions encore chevaucher ensemble; et fûme ce soir logés à l'hôtel à l'Étoile, et là tenus tout aise.
Quand ce vint sur le souper, le chastelain de Mauvoisin, qui s'appeloit messire Raymon des Landes, nous vint voir et souper avecques nous; et fit apporter en sa compagnie quatre flacons pleins de blanc vin, aussi bon que j'en avois point bu sur le chemin. Si parlèrent ces deux chevaliers largement ensemble; et tout tard messire Raymon partit et retourna arrière en son chastel de Mauvoisin. Quand ce vint au matin, nous montâmes ès chevaux et partîmes de Tournay, et passâmes à gué la rivière de Lèse, et chevauchâmes vers la cité de Tharbes, et entrâmes en Bigorre, et laissâmes le chemin de Lourdes et de Bagnières et le chastel de Montgaillard à sénestre, et nous adressâmes vers un village que on dit au pays le Civitat, et le côtroyâmes, et vînmes dans un bois en la terre du seigneur de Barbesen, et assez près d'un chastel que on dit Marcheras, à l'entrée de Pas du Larre, et tant que le chevalier me dit: "Messire Jean, vez-ci le Pas au Larre." Adonc avisai-je et regardai-je le pays. Si me sembla moult étrange; et me tinsse pour perdu ou en très grande aventure, si ce ne fût la compagnie du chevalier; et me revinrent au devant les paroles que il m'avoit dites, deux ou trois jours avant, du Pas au Larre et du Mongat de Lourdes, et comment il mourut. Si lui ramentus, et lui dis: "Monseigneur, vous me dîtes devant hier que quand nous venrions au Pas de Larre, vous me conteriez la matière du Mongat de Lourdes, et comment il mourut. - C'est voir, dit le chevalier. Or chevauchez de-lez moi et je le vous conterai."
Adonc m'avançai-je et me mis de-lez lui pour ouïr sa parole, et il commença à parler et dit:
"Du temps que Pierre d'Anchin tenoit le chastel et la garnison d'Ortingas, si comme je vous ai conté par avant, chevauchoient ceux de Lourdes aucune fois à l'aventure moult en sus de leur forteresse; et vous dis que ils ne l'avoient pas d'avantage, car vez-ci le chastel de Barbesan, et le chastel de Marcheras, où toudis à eu gens d'armes en garnison, sans ceux de Bagnières, de Tournay, de Montgaillard, de Salenges, de Benac, de Gorre et de Tharbe, toutes villes et garnisons françoises. Et quand ces garnisons sentoient que cils de Lourdes chevauchoient vers Toulouse, ou vers Carcassonne, ils se recueillaient ou mettoient en embûches sur eux, pour eux ruer jus et tollir les pillages qu'ils ramenoient. Une fois en y avoit des rués jus d'une partie et d'autre; et d'autres fois à l'aventure passoient ceux de Lourdes sans être rencontrés. Or advint une fois que Ernauton de Sainte-Colombe, le Mongat de Saint-Cornille, et le Bourg de Carnillac et bien six vingt lances de bonnes gens d'armes se départirent de Lourdes et s'en vinrent autour des montagnes entre ces deux rivières Lisse et Lèse, et allèrent jusques à Toulouse. A leur retour ils levèrent ès prairies grand'foison de bestail, vaches et bœufs, porcs, moutons et brebis, et prindrent moult de bons hommes au plat pays, et tout ramenoient devant eux. Et fut signifié au capitaine de Tharbes, un écuyer gascon qui s'appeloit Ernauton Bisette, appert homme d'armes durement, comment ceux de Lourdes se contenoient et chevauchoient le pays. Si le manda au seigneur de Benac et à Angelot des Landes, fils à messire Raymond, et aussi au seigneur de Barbesan, et dit qu'il vouloit chevaucher contre eux. Cils chevaliers et cils écuyers de Bigorre s'y accordèrent, et se recueillirent tous ensemble, et firent leur amas à Tournay, par où leur passage étoit communément; et là fut aussi le bourg d'Espaigne qui y vint de sa garnison de Saint-Béat. Et étoient environ deux cens lances; et envoyèrent leurs espies sur le pays pour savoir quel convine cils de Lourdes à leur retour faisoient. D'autre part aussi cils de Lourdes avoient leurs espies pour savoir si nulles gens d'armes se mettroient contre eux sur les champs; et tant firent par leurs espies que ils sçurent tout le convinement l'un de l'autre. Quand ceux de Lourdes entendirent que les garnisons françoises chevauchoient et les attendoient à Tournay, si furent en doute; et se conseillèrent sur les champs comment ils se maintiendroient et comment leur proie à sauveté ils mèneroient; si dirent: "Nous nous partirons en deux parts: l'une partie emmènera devant li, tout chassant, la proie; et là seront nos varlets et nos pillards, et prendront le chemin à la couverte des Landes de Bourg et viendront passer le chemin au pont à Tournay, et la rivière de Lèse entre Tournay et Mauvoisin, et les autres chevaucheront en bataille par les combliaux des montagnes, et feront montre pour revenir au pas du Larre dessous Marcheras, pour recheoir entre Barbesan et Montgaillard; mais pourvu que nous puissions passer sauvement la rivière atout notre proie et que à Montgaillard nous soyons tous ensemble, nous n'avons garde, car nous serons tantôt à Lourdes." Ainsi comme ils l'ordonnèrent ils le firent, et prirent le bâtard de Cornillac, et Guillonnet de Harnes, et Perrot Boursier, et Jean Calemin de Basselle, et le Rouge, écuyer, et quarante lances, et tous leurs varlets, pillards et autres, et leur dirent: "Vous emmènerez notre proie et nos prisonniers toute Lande-de Bourg, et descendrez entre Tournay et Mauvoisin, et là passerez au pont la rivière, et irez tout à la couverte entre le Civitat et Montgaillard, et nous ferons l'autre chemin de Marcheras et de Barbesan, et nous nous retrouverons ensemble à Montgaillard.". Si comme il fut ordonné il fut fait; et si départirent là sur les champs; et demeurèrent en route et en la plus grande partie, Ernauton de Rostem, Ernauton de Sainte-Colombe, le Mongat de Sainte-Cornille et bien quatre vingt compagnons, tous hommes d'armes; il n'y avoit pas dix varlets; et restraindirent leurs plates et mirent leurs bassinets, et prirent leurs lances, et chevauchèrent tous serrés, ainsi que pour tantôt combattre; ni autre chose ils n'attendoient, car ils sentoient leurs ennemis sur les champs.
"Tout en autelle manière que cils de Lourdes avoient eu conseil de retourner, eurent aussi avis de eux trouver et rencontrer les François; et dirent là le Mongat de Barbesan et Ernauton Bisette: "Nous savons bien que cils de Lourdes sont sur les champs et ramènent grand'proie et grand'foison de prisonniers; nous serons trop courroucés si ils nous échappent. Si nous faut mettre en deux embûches, car nous sommes gens assez pour cela faire." Adonc fut ordonné que Ernauton, le bourg d'Espaigne et messire Raymon de Benac et Angelot de Landes, tout cent lances, garderoient le pas à Tournay; car il convenoit du moins que leur bestail et leurs prisonniers passassent là la rivière de Lisse, et le sire de Barbesan et Ernauton Bisette, atout autres cent lances, chevaucheroient à l'aventure pour savoir si nuls en verroient ni trouveroient. Ainsi se départirent les uns des autres; et s'en vinrent le sire de Benac et le bourg d'Espaigne, et se mirent en embûche au pont entre Mauvoisin et Tournay; et les autres prirent les champs, droitement sur le pas où nous chevauchons maintenant, qu'on dit au Larre. Ils se trouvèrent, et tantôt comme ils se virent tôt descendirent de leurs chevaux et les laissèrent aller paître; et appuigniérent et appointèrent leurs lances et s'en vinrent les uns sur les autres, car combattre les convenoit, en écriant leurs cris: Saint George, Lourdes et Notre-Dame de Bigorre! Là vinrent-ils l'un sur l'autre; et commencèrent à bouter et à pousser fort et roide les lances et les poings; et s'appuyoient en poussant de leurs poitrines, et point ne s'épargnoient; et là furent une espace en férant et poussant de leurs lances l'un sur l'autre, tant que ce sembloit, comme je ouïs recorder à ceux qui y furent, un pont; ni nul à ce commencement n'étoit porté par terre.
"Quand il eurent assez bouté et poussé de leurs lances, ils les ruèrent jus; et étoient jà tous échauffés; et prirent leurs haches et se commencèrent de haches à combattre, et à donner grands et horribles horions, et chacun avoit le sien. En cel état et en ce parti d'armes furent-ils plus de trois heures; et se battirent et navrèrent si très bien que merveilles. Et quand il y en avoit aucuns qui étoient outrés ou si mal menés que ils ne se pouvoient plus soutenir, et foulés jusques à la grosse haleine tout bellement, ils se départoient et s'en alloient seoir sur un fossé ou en-mi le pré, et ôtoient leurs bassinets et se rafreschissoient, et puis quand ils étoient bien rafreschis, ils remettoient leurs bassinets et s'en venoient encore recommencer à combattre. Ni je ne cuide pas que oncques si bonne besogne fut, ni si dur rencontre, ni bataille si bien combattue puis la bataille des Trente qui fut en Bretagne, comme celle de Marcheras en Bigorre fut. Et là étoient main à main l'un à l'autre; et là fut sur le point d'être déconfit Ernauton de Sainte-Colombe, qui est assez bel écuyer, grand et fort et bel homme d'armes d'un écuyer de ce pays qui s'appeloit Guillonnet de Salenges; et l'avoit cil mené jusques à la grosse haleine, quand il en avint ce que je vous dirai.
"Ernauton de Sainte-Colombe avoit un varlet qui regardoit la bataille, ni point ne se combattoit, ni aussi on ne lui demandoit rien; quand il vit son maître ainsi mené que presque à outrance, il fut moult courroucé, et vint à son maître, et prit la hache entre ses mains, dont il se combattoit, et lui dit en la prenant: "Ernauton, allez vous seoir et reposer, vous ne vous savez combattre." Et quand il ot la hache, il vint à l'écuyer, et lui donna tel coup sur le bassinet, que il l'étourdit tout, et fit chanceler et presque cheoir à terre. Quand Guillonnet se sentit ainsi féru, si lui vint à grand'déplaisance; et voult venir sur le varlet, et le cuida férir de sa hache en la tête, mais le varlet se muça sous le coup et ne fut pas consuivi; si embrassa l'écuyer qui étoit travaillé de longuement combattre, et le tourna et l'abattit sous lui à la lutte, et lui dit: "Je vous occirai, si vous ne vous rendez à mon maître. - Qui est ton maître? dit-il. - Ernauton de Sainte-Colombe, à qui vous avez huy tant combattu." L'écuyer vit que il n'avoit pas l'avantage; et qu'il étoit dessous celui varlet, qui tenoit une dague pour le férir, si il ne se rendoit. Si se rendit, à venir dedans quinze jours tenir son corps prisonnier à Lourdes, rescous ou non rescous. Ce service fit le varlet à son maître. Et vous dis, messire Jean, que là eut fait par tels choses trop grand'foison d'apertises d'armes, et des compagnons jurés et fiancés, les uns venir à Tharbe et les autres aller à Lourdes. Et se combattirent main à main sans eux épargnier Ernauton de Bisette et le Mongat de Sainte-Basile, lesquels y firent maintes apertises d'armes; et n'y avoit homme qui ne fût assez embesogné de lui combattre. Et tant se combattirent qu'ils furent si outrés et si lassés que ils ne se purent mais aider; et là furent morts sur la place deux des capitaines, le Mongat de Lourdes et d'autre part Ernauton Bisette.
"Adonc se cessa la bataille, par l'accord de l'un et de l'autre car ils étoient si foulés que ils ne pouvoient mais tenir leurs haches ni leurs lances, et se désarmoient les aucuns pour eux rafreschir, et laissoient là leurs armures. Si emportèrent ceux de Lourdes le Mongat tout occis, et les François à Tharbe Ernauton Bisette; et pour ce qu'il fut remembrance de la bataille, on fit là une croix de pierre où ces deux écuyers s'abattirent et moururent. Velà là, je la vous montre."
A ces mots chéimes-nous droit sur la croix, et y dîmes-nous chacun pour les âmes des morts une patenôtre, un Ave Maria, un De profundis et Fidelium.

Mais où se trouve ce « Pas de Larre » ?

Même si ce lieu est entré dans la légende de la Guerre de Cent Ans, il est très difficile de trouver aujourd'hui quelqu'un capable de vous montrer ce lieu avec précision. On va tout de même essayer ! Selon les écrits de Froissart, cette bataille est située entre les communes de Tournay, Mascaras, Cieutat, Barbazan-Dessus et Montgaillard. En observant une carte, on ne trouve pas de "Pas de Larre" entre ces communes. En revanche, on trouve un hameau de Bernac-Dessus qui porte le nom de L'arrêt ainsi qu'un cours d'eau appelé « L'arrêt-Darré ».
On peut donc traduire « Pas de Larre » par « Passage de l'Arrêt-Darré ». F. Soutras décrit le Pas de Larre dans un Bulletin de la Société Ramond (1880) intitulé Froissart en Bigorre : « Une coupure de coteaux où se traîne, sur un fond vaseux, un ruisseau formant marécage : le pas de Larre. » ou « C'étaient les collines boisées qui séparent la vallée de l'Arros de celle de l'Adour ; c'était le pas de Larre. »

Un panneau à Orignac

On peut considérer cet épisode comme mineur dans cette période tourmentée. Mais pour nous, la bataille du Pas de Larre revêt une importance considérable, puisque c'est la seule bataille du Moyen-Age (dans les Hautes-Pyrénées) dont nous ayons la description.

Selon les indications du livre, et même si les lieux n'ont pas été évidents à retrouver (surtout qu'entre temps fut construite l'autoroute), nous vous proposons quelques photos qui nous semblent les bons endroits :

Vue aérienne. Au milieu se trouve l'autoroute et son spectaculaire viaduc de l'Arrêt-Darré (dont on voit l'ombre).

Carte de Cassini - 1770

Les « Compagnons de Lourdes », de retour de pillages vers Toulouse, ont été pris en embuscade par les chevaliers français entre Tournay et Montgaillard au passage de l'Arrêt-Darré (ruisseau en bleu sur la carte).

Jean Froissart

Statue de Jean Froissart devant la Pyramide du Louvre.

Voici ce que raconte Froissart (traduit en français moderne) :

« Toutes les garnisons du pays étaient françaises, excepté celle de Lourdes. Or, celle-ci faisait de fréquentes sorties pour ravitailler la ville, enlevant tout ce qu'elle rencontrait, et ramenant tout derrière ses murailles, si bien que lorsqu'on la savait aux champs, toutes les autres garnisons envoyaient des détachements en campagne et lui donnaient la chasse. Un jour, le Mongat de Saint-Bazile, qu'on appelait ainsi parce qu'il avait l'habitude de se déguiser en moine pour tendre ses embûches, sortit de Lourdes avec le seigneur de Carnillac et cent vingt lances à peu près (Une lance représentait une unité de combat comprenant un chevalier, un coutelier, un page, un valet et des archers) : la citadelle manquait de vivres, et une grande expédition avait été résolue. Ils chevauchèrent et trouvèrent dans une prairie à une lieue de la ville de Toulouse un troupeau de boeufs dont ils s'emparèrent ; mais au lieu de suivre prudemment le chemin, ils se détournèrent à droite et à gauche, pour enlever encore un troupeau de porcs et un troupeau de moutons, ce qui donna le temps au bruit de l'expédition de se répandre dans le pays. Le premier qui le sut fut un capitaine de Tarbes nommé Ernauton de Sainte-Colombe. Il laissa aussitôt son château et courut avertir le seigneur de Bénac, le seigneur de Barbazan et tous les écuyers qu'il put rencontrer, de sorte que le soir même, il se trouvait à la tête d'une troupe à peu près pareille à celle du Mongat. Aussitôt, il répandit ses espions par le pays pour savoir le chemin que comptait prendre la garnison de Lourdes, et quand il sut qu'elle devait passer au pas de Larre, il résolut que ce serait là qu'il l'attendrait. Le Mongat prévoyant une embuscade partagea sa troupe en deux : "Nous nous partirons en deux parts : l'une emmènera devant li, tout chassant, la proie ; et là seront nos varlets et nos pillards, et prendront le chemin à la couverte des Landes de Bourg et viendront passer le chemin au pont à Tournay, et la rivière Lèse entre Tournay et Mauvoisin, et les autres chevaucheront en bataille par les combliaux des montagnes, et feront montre pour revenir au pas de larre dessous Marcheras, pour recheoir entre Barbesan et Montgaillard ; mais pourvu que nous puissions passer sauvement la rivière atout notre proie et que à Montgaillard nous soyons tous ensemble, nous n'avons garde, car nous serons tantôt à Lourdes. Vous passerez au pont la rivière, et irez à la couverte entre le Civitat et Montgaillard, et nous ferons l'autre chemin de Marcheras et de Barbesan, et nous nous retouverons tous ensemble à Montgaillard. »


(Civitat = Cieutat, Marcheras = Mascaras, Lande-de-Bourg = plateau de Lannemezan, rivière de Lèse = Arros)

« Ils se trouvèrent, et tantôt comme ils se virent tôt descendirent de leurs chevaux et les laissèrent aller paître ; et appuignièrent et appointèrent leurs lances et s'en vinrent les uns sur les autres, car combattre les convenoit, en écriant leurs cris : Saint-George, Lourdes et Notre-Dame de Bigorre ! »

« Pendant ces heures de mêlée, le hasard avait fait que les deux chefs, c'est à dire le Mongat et Ernauton de Sainte-Colombe, avaient combattu, l'un à droite, l'autre à gauche. Mais tous deux frappaient si fort et si dru que la foule finit par s'ouvrit devant eux et qu'ils se trouvèrent enfin en face l'un de l'autre. La lutte fut très ardente, mais aussi très courtoise nous dit-on ; les combattants fatigués eurent le droit de se reposer et les simples valets furent admis à prendre la place de leurs maîtres. Cependant les deux chefs périrent et tout le butin fut repris aux chevaliers de Lourdes ». Une croix en pierre fut élevée nous dit Froissart, sur l'emplacement de ce combat du Pas de Larre.

L'histoire a été reprise par Alexandre Dumas (Le bâtard de Mauléon) :  

Chapitre I
Comment messire Jehan Froissard fut instruit de l'histoire que nous allons raconter.

« Le voyageur qui parcourt aujourd'hui cette partie du Bigorre qui s'étend entre les sources du Gers et de l'Adour, et qui est devenue le département des Hautes-Pyrénées, a deux routes à prendre à son choix pour se rendre de Tournai à Tarbes : l'une, toute récente et qui traverse la plaine, le conduira en deux heures dans l'ancienne capitale des comtes de Bigorre ; l'autre, qui suit la montagne et qui est une ancienne voie romaine, lui offrira un parcours de neuf lieues. Mais aussi ce surcroît de chemin et de fatigue sera bien compensé pour lui par le charmant pays qu'il parcourra, et par la vue de ces premiers plans magnifiques qu'on appelle Bagnères, Montgaillard, Lourdes, et par cet horizon que forment comme une muraille bleue les vastes Pyrénées du milieu desquelles s'élance, tout blanc de neige, le gracieux Pic du Midi. Cette route, c'est celle des artistes, des poètes et des antiquaires. C'est donc sur celle-là que nous prierons le lecteur de jeter avec nous les yeux.
Dans les premiers jours du mois de mars 1388, vers le commencement du règne du roi Charles VI, c'est-à-dire quand tous ces châteaux, aujourd'hui au niveau de l'herbe élevaient le faîte de leurs tours au-dessus de la cime des plus hauts chênes et des pins les plus fiers, - quand ces hommes à l'armure de fer et au coeur de bronze qu'on appelait Olivier de Clisson, Bertrand Duguesclin, le Captal de Buch, venaient à peine de se coucher dans leurs tombes homériques, après avoir commencé cette grande Iliade dont une bergère devait faire le dénouement, deux hommes chevauchaient suivant cette route étroite et raboteuse qui était alors la seule voie de communication qui existât entre les principales villes du Midi.
Ils étaient suivis de deux valets, à cheval comme eux.
Les deux maîtres paraissaient porter le même âge à peu près, c'est-à-dire cinquante-cinq à cinquante-huit ans. Mais là s'arrêtait la comparaison ; car la grande différence qui existait entre leurs deux costumes indiquait qu'ils suivaient chacun une profession différente.
L'un d'eux, qui, par habitude sans doute, marchait en avant d'une demi- longueur de cheval, était vêtu d'un surcot de velours qui avait été cramoisi, mais dont le soleil et la pluie, auxquels il s'était trouvé exposé bien des fois depuis le premier jour où son maître l'avait mis, en avaient altéré non seulement le lustre, mais encore la couleur. Par les ouvertures du surcot sortaient deux bras nerveux, couverts de deux manches de buffle, lesquelles faisaient partie d'un pourpoint qui avait été jaune autrefois, mais qui, pareil au surcot, avait perdu son état primitif non point par son contact avec les éléments, mais par son frottement avec la cuirasse à laquelle il était évidemment destiné à servir de doublure. Un casque, de l'espèce de ceux qu'on appelait bassinet, momentanément pendu, à cause de la chaleur sans doute, à l'arçon de la selle du cavalier, permettait de voir sa tête nue, chauve sur le haut, mais ombragée sur les tempes et par derrière de longs cheveux grisonnants, qui s'harmoniaient avec des moustaches un peu plus noires que les cheveux, comme cela arrive presque toujours chez les hommes qui ont supporté de grandes fatigues, et une barbe de même couleur que les moustaches, coupée carrément et retombant sur un gorgerin de fer, seule partie de l'armure défensive que le cavalier eût conservée. Quant aux armes offensives, elles se composaient d'une longue épée pendue à une large ceinture de cuir, et d'une petite hache terminée par une lame triangulaire, de manière à pouvoir frapper également de cette hache par le tranchant et par la pointe. Cette arme était accrochée à l'arçon de droite, et faisait pendant au casque accroché à l'arçon de gauche.
Le second maître, c'est-à-dire celui qui marchait un peu en arrière du premier, n'avait au contraire rien de guerrier, ni dans la tournure ni dans la mise. Il était vêtu d'une longue robe noire, à la ceinture de laquelle, au lieu d'épée ou de poignard, pendait un encrier de chagrin, comme en portaient les écoliers et les étudiants ; sa tête aux yeux vifs et intelligents, sourcils épais, au nez arrondi par le bout, aux lèvres un peu grosses, aux cheveux rares et courts, dénuée de moustaches et de barbe, était coiffée d'un chaperon, comme en portaient les magistrats, les clercs, et en général les personnes graves. De ses poches sortaient des rouleaux de parchemin couverts de cette écriture fine et serrée, habituelle à ceux qui écrivent beaucoup. Son cheval lui-même semblait partager les inclinations pacifiques de son cavalier, et son allure modeste et assujettie à l'amble, sa tête inclinée vers la terre, contrastaient avec le pas relevé, les naseaux fumants et les hennissements capricieux du cheval de bataille, qui, ainsi que nous l'avons dit, semblait, fier de sa supériorité, affecter de prendre le pas sur lui.
Les deux valets venaient derrière et conservaient entre eux le même caractère opposé qui distinguait les maîtres. L'un était vêtu de drap vert à peu près à la manière des archers anglais, dont il portait l'arc en bandoulière et la trousse au côté droit, tandis qu'au côté gauche descendait collé à sa cuisse une espèce de poignard à large lame qui tenait le milieu entre le couteau et cette arme terrible qu'on appelait une langue de boeuf.
Derrière lui résonnait, à chaque pas un peu relevé de son cheval, l'armure dont la sécurité des chemins avait permis à son maître de se débarrasser momentanément.
L'autre était, comme son maître, vêtu de noir, et semblait, par la façon dont ses cheveux étaient coupés et par la tonsure qu'on apercevait sur le haut de sa tête quand il soulevait sa calotte de drap noir à oreillettes, appartenir aux basses catégories du clergé. Cette opinion pouvait être encore confirmée par la vue du missel qu'il tenait sous son bras, et dont les coins et la fermeture d'argent, d'un assez beau travail d'orfèvrerie, étaient restés brillants, malgré la fatigue de la reliure.
Tous quatre cheminaient donc, les maîtres rêvant, les valets bavardant, lorsqu'en arrivant près d'un carrefour où le chemin se divisait en trois branches, le chevalier arrêta son cheval, et faisant signe à son compagnon de faire comme lui :
- Or çà, dit-il, maître Jehan, regardez bien le pays d'alentour, et dites-moi ce que vous en pensez.
Celui auquel cette invitation était faite jeta un coup d'oeil tout autour de lui, et comme le pays était tout à fait désert, et par la disposition du terrain paraissait propre à une embuscade :
- Sur ma foi ! dit-il, sire Espaing, voilà un étrange lieu, et je déclare pour mon compte que je ne m'y arrêterais pas même le temps de dire trois Pater et trois Ave, si je n'étais dans la compagnie d'un chevalier renommé comme vous l'êtes.
- Merci du compliment, sire Jehan, dit le chevalier, et je reconnais là votre courtoisie habituelle ; maintenant rappelez-vous ce que vous m'avez dit, il y a trois jours, en sortant de la ville de Pamiers, à propos de cette fameuse escarmouche entre le Mongat de Saint-Bazile et Ernauton-Bissette, au pas de Larre.
- Oh ! oui, je me rappelle, répondit l'homme d'église, je vous dis, quand nous serions au pas de Larre, de m'avertir, car je voulais voir ce lieu illustré par la mort de tant de braves gens.
- Eh bien ! vous le voyez, messire.
- Je croyais que le pas de Larre était en Bigorre.
- Aussi y est-il, et nous aussi, messire, et cela depuis que nous avons passé a gué la petite rivière de Lèze. Nous avons laissé à gauche, voici à peu près un quart d'heure, le chemin de Lourdes et le château de Montgaillard ; voici le petit village de la Civitat, voici le bois du seigneur de Barbezan, et enfin là-bas, à travers les arbres, voici le château de Marcheras.
- Ouais ! messire Espaing, dit l'homme d'église, vous savez ma curiosité pour les beaux faits d'armes et comment je les enregistre à mesure que je les vois ou qu'on me les raconte, afin que la mémoire n'en soit pas perdue ; dites-moi donc s'il vous plaît, en détail, ce qui arriva en ce lieu.
- C'est chose facile, dit le chevalier : Vers 1358 ou 1359, il y a trente ans de cela, toutes les garnisons du pays étaient françaises, excepté celle de Lourdes. Or, celle-ci faisait de fréquentes sorties pour ravitailler la ville, enlevant tout ce qu'elle rencontrait, et ramenant tout derrière les murailles, si bien que lorsqu'on la savait aux champs, toutes les autres garnisons envoyaient des détachements en campagne et lui donnaient la chasse, et quand on se rencontrait, c'étaient de terribles combats où s'accomplissaient d'aussi beaux faits d'armes qu'en batailles rangées.
Un jour, le Mongat de Saint-Bazile, qu'on appelait ainsi parce qu'il avait l'habitude de se déguiser en moine pour tendre ses embûches, sortit de Lourdes avec le seigneur de Carnillac et cent vingt lances à peu près : la citadelle manquait de vivres, et une grande expédition avait été résolue. Ils chevauchèrent donc tant que, dans une prairie à une lieue de la ville de Toulouse, ils trouvèrent un troupeau de boeufs dont ils s'emparèrent, puis s'en revinrent par le chemin le plus court ; mais, au lieu de suivre prudemment le chemin, ils se détournèrent à droite et à gauche, pour enlever encore un troupeau de porcs et un troupeau de moutons, ce qui donna le temps au bruit de l'expédition de se répandre dans le pays.
Le premier qui le sut fut un capitaine de Tarbes nommé Ernauton de Sainte- Colombe. Il laissa aussitôt son château à garder à un sien neveu, d'autres disaient son fils bâtard, lequel était un jeune damoiseau de quinze ou seize ans, qui n'avait encore assisté à aucun combat ni à aucune escarmouche. Il courut avertir le seigneur de Berrac, le seigneur de Barbezan, et tous les écuyers de Bigorre qu'il put rencontrer, de sorte que le même soir, il se trouvait à la tête d'une troupe à peu près pareille à celle que commandait le Mongat de Saint-Bazile, et dont on lui remit l'entier gouvernement.
Aussitôt, il répandit ses espions par le pays pour savoir le chemin que comptait prendre la garnison de Lourdes, et quand il sut qu'elle devait passer au pas de Larre, il résolut que ce serait là qu'il l'attendrait. En conséquence, comme il connaissait parfaitement le pays, et que ses chevaux n'étaient point fatigués, tandis que, au contraire, ceux de ses ennemis marchaient depuis quatre jours, il se hâta de venir prendre son poste, tandis que les maraudeurs faisaient une halte à trois lieues à peu près de l'endroit où il les attendait.
Comme vous l'avez dit vous-même, le terrain est propice à une embuscade. Les gens de Lourdes et le Mongat lui-même ne se doutèrent donc de rien, et comme les troupeaux marchaient devant, les troupeaux avaient déjà dépassé l'endroit où nous sommes, quand, par les deux chemins que vous voyez, l'un à notre droite, l'autre à notre gauche, la troupe d'Ernauton de Sainte- Colombe arriva au galop en poussant de grands cris ; or, elle trouva à qui parler ; le Mongat n'était pas homme à fuir, il fit faire halte à sa troupe et attendit le choc.
Il fut terrible et tel qu'on devait s'y attendre entre les premiers hommes d'armes du pays ; mais ce qui, surtout, rendait furieux ceux de Lourdes, c'est qu'ils étaient séparés de ce troupeau pour lequel ils avaient essuyé tant de fatigues et affronté tant de dangers, et qu'ils l'entendaient s'éloigner beuglant, grognant et bêlant, sous la conduite des valets de leurs adversaires, qui, grâce à la barrière opposée par leurs maîtres, n'avaient eu à combattre que les bouviers qui n'avaient pas même combattu, car peu leur importait que leur bétail appartint à l'un ou l'autre, du moment où il ne leur appartenait plus.
Ils avaient donc un double intérêt à défaire leurs ennemis, - d'abord celui de leur propre sûreté, puis celui de rentrer en propriété de leurs vivres, dont ils savaient que leurs camarades restés dans la citadelle avaient si grand besoin.
La première rencontre avait eu lieu à coups de lances ; mais bientôt une partie des lances fut brisée, et ceux qui avaient encore les leurs, trouvant que dans un espace si resserré la lance était une mauvaise arme, les jetèrent et saisirent les uns leurs haches, les autres leurs épées, - ceux-ci des massues, ceux-là toute arme qui leur tomba sous la main, et la véritable mêlée commença si ardente, si cruelle, si acharnée, que personne ne voulait reculer d'un pas, et que ceux qui tombaient essayaient encore d'aller mourir en avant pour qu'on ne dit pas qu'ils avaient perdu le champ de bataille, et ils se battirent trois heures ainsi, de sorte que, comme d'un commun accord, ceux qui étaient trop fatigués se retiraient, allaient s'asseoir en arrière de leurs compagnons, soit dans le bois, soit dans la prairie, soit au bord du fossé, ôtaient leurs casques, essuyaient leur sang ou leur sueur, respiraient un instant, et revenaient au combat plus acharnés que jamais ; si bien que je ne crois pas qu'il y ait eu jamais bataille si bien attaquée et si bien détendue depuis le fameux combat des Trente.
Pendant ces trois heures de mêlée, le hasard avait fait que les deux chefs, c'est-à-dire le Mongat de Saint-Bazile et Ernauton de Sainte-Colombe, avaient combattu, l'un à droite, l'autre à gauche. Mais tous deux frappaient si fort et si dru que la foule finit par s'ouvrir devant eux et qu'ils se trouvèrent enfin en face l'un de l'autre. Comme c'était cela que chacun d'eux désirait, et comme depuis le commencement de la rencontre ils n'avaient cessé de s'appeler, ils jetèrent un cri de joie en s'apercevant, et comme si les autres eussent compris que tout combat devait s'effacer devant le leur, on s'écarta, on céda le terrain, et l'action générale cessa pour faire place à cette lutte particulière.
- Ah ! dit l'homme d'église, interrompant le chevalier avec un soupir, que n'étais-je là pour voir une pareille joute, qui devait rappeler ces beaux temps de la chevalerie passés hélas ! pour ne plus revenir.
- Le fait est, messire Jehan, reprit l'homme de guerre, que vous eussiez vu un beau et rare spectacle. Car les deux combattants étaient deux hommes d'armes, puissants de corps et savants dans le métier, montés sur de bons et fiers chevaux qui semblaient aussi acharnés que leurs maîtres à se déchirer ; cependant le cheval du Mongat de Saint-Bazile tomba le premier frappé d'un coup de hache destiné par Ernauton à son maître, et qui l'étendit mort sur la place. Mais le Mongat était trop expert, si rapide que fût la chute, pour n'avoir pas eu le temps de dégager ses pieds des arçons, de sorte qu'il se trouva couché, non pas sous son cheval, mais à côté de lui, et qu'étendant le bras, il coupa le jarret au destrier d'Ernauton, lequel hennit de douleur, faiblit et tomba sur les deux genoux ; Ernauton perdit son avantage et fut à son tour forcé de sauter à terre. A peine y fut-il que le Mongat se redressa sur ses pieds, et le combat recommença, Ernauton frappant de sa hache et le Mongat de sa masse d'armes.
- Et c'était à cette même place que se passait ce beau fait d'armes ! dit l'homme d'église, l'oeil étincelant d'ardeur, et comme s'il eût vu le combat qu'on lui décrivait.
- A cette même place, messire Jehan. Et dix fois des témoins oculaires m'ont raconté à moi ce que je vous raconte à vous. Ernauton était à la place où vous êtes et le Mongat à la place où je suis, et le Mongat pressa si bien Ernauton que celui-ci tout en se défendant fut cependant forcé de reculer, et tout en combattant recula, depuis cette pierre qui est entre les jambes de votre cheval, jusqu'à ce fossé où il s'en allait sans doute tomber en arrière, quand un jeune homme qui était arrivé tout hors d'haleine pendant le combat, et qui regardait de l'autre côté du fossé, voyant le bon chevalier poussé ainsi, et comprenant qu'il était au bout de sa force, ne fit qu'un bond de l'endroit où il était jusqu'à Ernauton, et lui prenant des mains la hache qu'il était prêt à laisser tomber :
" - Ah ! bel oncle, lui dit-il, donnez-moi un peu cette hache et laissez-moi faire. "
Ernauton ne demandait pas mieux, il lâcha la hache et s'étendit sur les bords du fossé où ses valets accoururent à son aide et le délacèrent, car il était prêt à s'évanouir.
- Mais le jeune homme, dit l'abbé, le jeune homme ?
- Eh bien ! le jeune homme prouva en cette occasion que, tout bâtard qu'on le disait, il avait dans les veines du bon sang de race, et que son oncle avait eu tort de l'enfermer dans un vieux château au lieu de l'emmener avec lui ; car à peine eut-il la hache en main que sans s'inquiéter de ce qu'il avait un simple pourpoint de drap et pour toute coiffure un bonnet de velours, tandis que son ennemi était tout couvert de fer, il lui porta un si rude coup du tranchant de son arme sur le haut de son casque que le bassinet en fut entamé, et que le Mongat tout étourdi chancela et tomba presque à terre. Mais c'était un trop rude homme d'armes pour choir ainsi sous une première atteinte. Il se redressa donc, il leva à son tour sa masse, et en porta au jeune homme un tel coup qu'il lui eût certainement écrasé la tête s'il l'eût atteint. Mais celui-ci, qu'aucune arme défensive n'alourdissait, évita le coup en faisant un bond de côté, et s'élançant aussitôt sur son adversaire, léger et bondissant comme un jeune tigre, enveloppa de ses deux bras le Mongat fatigué de la longue lutte, et le courbant comme le vent fait d'un arbre, finit par l'abattre sous lui en criant :
" Rendez-vous, Mongat de Saint-Bazile, secouru ou non secouru, sinon vous êtes mort. "
- Et donc se rendit ? demanda l'homme d'église qui prenait à ce récit un si grand intérêt que tous ses membres en tressaillaient d'aise.
- Non pas, reprit messire Espaing, mais répondit bel et bien :
" - Me rendre à un enfant ! j'aurais honte... frappe si tu peux.
- Eh bien ! rendez-vous non pas à moi, mais à mon oncle Ernauton de Sainte-Colombe, qui est un brave chevalier et non pas un enfant comme moi.
- Pas plus à ton oncle qu'à toi, dit le Mongat d'une voix sourde, car si tu n'étais pas arrivé, c'est ton oncle qui en serait où j'en suis, frappe donc. Pour moi, sous aucun prétexte, je ne me rendrai.
- En ce cas, dit le jeune homme, et puisque tu ne veux pas te rendre absolument, attends et tu vas voir.
- Oui, voyons, dit le Mongat en faisant un effort comme en fait le géant Encelade lorsqu'il veut se débarrasser du mont Etna, voyons un peu.
Mais ce fut inutilement qu'il rassembla toutes ses forces, qu'il enveloppa le jeune homme de ses bras et de ses jambes comme d'un double anneau de fer, il ne put lui faire perdre l'avantage. Celui-ci demeura vainqueur, le tenant sous lui d'une main, tandis que de l'autre il tirait de sa ceinture un petit coutelet long et mince dont la lame glissa sous le gorgerin. Au même instant, on entendit comme un râlement sourd. Le Mongat s'agita, se raidit, se souleva, mais sans pouvoir écarter le jeune homme cramponné à lui et poussant toujours son coutelet ; tout à coup une écume de sang jaillit à travers la visière du casque du Mongat et vint marbrer le visage de son adversaire. A ces efforts presque surhumains, on devina les convulsions de l'agonie. Mais pas plus qu'il ne l'avait lâché, le jeune homme ne le lâcha ; il semblait lié à tous ses mouvements. Comme fait le serpent au corps de la victime qu'il étouffe, il se souleva, s'affaissa, se raidit, comme lui et avec lui, frissonna de tous ses frissonnements, et demeura couché et étendu jusqu'à ce que le dernier tressaillement se fût éteint, et que le râle se fût changé en un soupir.
Alors il se releva, s'essuyant le visage avec la manche de son pourpoint, et de l'autre main secouant ce petit couteau qui semblait un jouet d'enfant, et qui cependant venait de mettre à mort si cruellement un homme.
- Vrai Dieu ! s'écria l'homme d'église, oubliant que son enthousiasme l'entraînait presque jusqu'au jurement, vous me direz le nom de ce jeune homme, n'est-ce pas, sire Espaing de Lyon, afin que je le consigne sur mes tablettes et que je tâche de le graver au livre de l'histoire ?
- Il s'appelait le Bâtard Agénor de Mauléon, répondit le chevalier, et inscrivez tout au long ce nom sur vos tablettes, comme vous dites, messire Jehan ; car c'est le nom d'un rude homme d'armes, et qui mérite bien cet honneur.
- Mais, dit l'abbé, n'en est-il point resté là, sans doute ; et a-t-il fait dans sa vie quelques autres faits d'armes dignes de celui par lequel il a débuté.
- Oh ! bien certainement, car trois ou quatre ans après il partit pour l'Espagne, où il demeura pendant quatre ou cinq ans, se battant contre les Mores et les Sarrasins, et d'où il revint avec le poignet droit coupé.
- Oh ! fit l'homme d'église avec une exclamation qui indiquait la part qu'il prenait à l'accident du vainqueur du Mongat de Saint-Bazile ; voilà qui est malheureux tout à fait, car sans doute un si brave chevalier fut-il obligé de renoncer aux armes !
- Non pas, répondit messire Espaing de Lyon, non pas, et vous vous trompez fort, au contraire, sire Jehan ; car à la place de la main qu'il avait perdue, il se fit faire une main de fer avec laquelle il maintient la lance tout aussi bien qu'avec une véritable main ; sans compter qu'il y peut, quand cela lui convient, adapter une masse d'armes avec laquelle il frappe, à ce qu'il paraît, de telle façon que ceux qui sont frappés ne s'en relèvent guère.
- Et, demanda l'homme d'église, peut-on savoir dans quelle occasion il perdit cette main !
- Ah ! dit messire Espaing, voilà ce que je ne puis vous dire, quelque envie que j'aie de vous être agréable, car je ne connais point personnellement le brave chevalier dont il est question, et, même m'a-t-on assuré que ceux qui le connaissent l'ignorent comme moi ; jamais il n'a voulu raconter cette portion de sa vie à personne.
- Alors, dit l'homme d'église, je ne parlerai en aucune façon de votre bâtard, maître Espaing ; car je ne veux pas que ceux qui liront l'histoire que j'écris fassent la même demande que moi sans avoir de réponse.
- Dame ! dit messire Espaing, je demanderai, je m'informerai ; mais commencez toujours par en faire votre deuil, maître Jehan : car je doute que vous sachiez jamais rien de ce que vous désirez savoir, sinon par lui-même si vous le rencontrez jamais.
- Vit-il donc encore !
- Certes, et guerroyant plus que jamais.
- Avec sa main de fer ?
- Avec sa main de fer.
- Ah ! dit messire Jehan, je crois que je donnerais mon abbaye pour rencontrer cet homme et pour qu'il consentît à me raconter son histoire ; mais tout au moins m'achèverez-vous la vôtre, messire Espaing, et me direz vous ce qu'il advint des deux partis quand le Mongat fut mort.
- La mort du Mongat termina la bataille. Ce que voulaient les chevaliers, c'était les troupeaux enlevés, et ils les avaient. - D'ailleurs, le Mongat mort, ils savaient que cette fameuse garnison de Lourdes, si redoutée, était de moitié moins à craindre, car c'est souvent un seul homme qui fait la force d'une garnison ou d'une armée. Il fut donc convenu que chacun emporterait ses blessés et ses prisonniers, et qu'on enterrerait les morts.
On emporta donc Ernauton de Sainte-Colombe, qui était tout meurtri du combat, l'on enterra les morts où nous sommes, à l'endroit même que nos chevaux foulent aux pieds. Et pour qu'un si brave compagnon ne fût point confondu avec des cadavres vulgaires, l'on creusa une fosse de l'autre côté de cette grande roche que vous voyez à quatre pas de nous, avec une croix de pierre et son nom dessus, afin que les pèlerins, les voyageurs et les preux chevaliers, puissent, en passant, dire une prière pour le repos de son âme.
- Allons donc devers cette croix, messire Espaing, répondit l'abbé, car pour mon compte j'y dirai de grand coeur une patenôtre un Ave Maria, un De profundis.
Alors donnant l'exemple au chevalier, l'abbé fit signe aux écuyers de venir, jeta la bride de son cheval aux mains de son valet, et mit pied à terre avec une impatience qui indiquait que, lorsqu'il s'agissait de pareilles matières, le bon chroniqueur était allégé de la moitié de son âge.
Messire Espaing de Lyon en fit autant, et tous deux s'acheminèrent à pied vers l'endroit indiqué. Mais au tournant du rocher, tous deux s'arrêtèrent.
Un chevalier, dont ils ignoraient la présence, était agenouillé devant la croix, enveloppé d'un large manteau, qui, à la raideur de ses plis, dénonçait sous sa draperie une armure complète. - Sa tête seule demeurait découverte, son casque déposé à terre tandis qu'à dix pas en arrière, masqué aussi par le rocher, se tenait un écuyer armé en guerre, monté sur un cheval de bataille, et tenant en main le cheval de son maître, enharnaché comme pour le combat.
C'était un homme dans toute la force de l'âge, c'est-à-dire de quarante-six à quarante-huit ans, au teint bruni d'un More, aux cheveux épais et à la barbe fournie. Cheveux et barbe étaient de la couleur de l'aile d'un corbeau.
Les deux voyageurs s'arrêtèrent un instant à regarder cet homme qui, immobile et semblable à une statue, accomplissait sur la tombe du Mongat le pieux devoir qu'ils venaient y remplir eux-mêmes.
De son côté, le chevalier inconnu, tant que dura sa prière, ne parut faire aucune attention aux nouveaux venus ; puis, lorsque sa prière fut terminée, il fit de la main gauche, au grand étonnement des deux assistants, le signe de la croix, les salua courtoisement de la tête, remit son casque sur son front bruni, toujours enveloppé de son manteau, remonta à cheval, tourna à son tour l'angle du rocher suivi de son écuyer, plus sec, plus raide et plus noir encore que lui, et s'éloigna.
Bien qu'on rencontrât à cette époque bon nombre de ces sortes de figures, celle-ci avait un caractère si particulier que les deux voyageurs la remarquèrent, mais chacun intérieurement ; car le temps commençait à presser, l'on avait encore trois lieues à faire, et l'homme d'église avait pris l'engagement de dire sur la tombe du Mongat une patenôtre, un Ave Maria, un De Profundis et Fidelium. La prière finie, messire Jehan regarda autour de lui. Le chevalier, qui sans doute n'en savait pas plus long que lui, l'avait laissé seul : il fit donc à son tour le signe de la croix, mais de la main droite, et alla rejoindre son compagnon.
- Eh ! dit-il aux deux valets, n'avez-vous pas vu un chevalier armé en guerre suivi de son écuyer, le chevalier paraissant avoir quarante-six ans et l'écuyer cinquante-cinq ou soixante ?
- Je m'en suis déjà enquis, messire, fit avec un signe de tête Espaing de Lyon, dont l'esprit avait subi la même préoccupation que celui de son compagnon de voyage.
Il paraît suivre la même route que nous, et comme nous sans doute il va coucher à Tarbes.
- Mettons nos chevaux au trot pour le rejoindre, s'il vous plaît, messire Espaing, dit le chroniqueur, car peut-être, si nous le rejoignons, nous parlera-t-il, comme c'est l'habitude entre gens qui suivent la même route. Et il me semble qu'il y aurait beaucoup de choses à apprendre dans la compagnie d'un homme qui a vu un soleil assez chaud pour lui faire le teint qu'il a.
- Faisons donc selon votre désir, messire, dit le chevalier ; car, je vous l'avoue, je me sens atteint d'une curiosité non moins vive que la vôtre ; quoique de ces cantons, je ne me rappelle pas avoir vu jamais cette figure dans ce pays.
En conséquence de cette détermination, nos deux voyageurs, tout en marchant d'un pas plus rapide, continuèrent à garder la même distance, le cheval du chevalier devançant toujours quelque peu le cheval de l'homme d'église. Mais ce fut inutilement qu'ils pressèrent la marche de leurs montures. Le chemin, qui était devenu plus large et plus beau en côtoyant la rivière de Lèze avait donné même facilité de doubler le pas à l'inconnu et à son écuyer, et les curieux arrivèrent aux portes de Tarbes sans l'avoir rejoint (...) »

D'autres personnes se sont intéressées avant nous à ce « Pas de Larre », notamment Michel Cazenave et Pierre Lafitte-Matalas dans leur ouvrage « En Bigorre au Moyen-Age » (1981). Ils pensent avoir trouvé les lieux exacts de la bataille, du château de Marcheras et même de la Croix de Pierre. Pour eux, le Pas de Larre est sur la commune de Lhez (anciennement sur le territoire de Bordes, Lhez ayant été créée environ cent ans après la bataille). Voici ci-dessous quelques extraits de leur livre fortement documenté :

Les coteaux de L'arrêt pris en photo depuis le village de Hitte.

M. Bernard Dubois émet une autre hypothèse et nous apporte un éclairage nouveau pour les diverses localisations. Voici ce qu’il nous écrit en 2013 : « D'abord, j’émets l'hypothèse qu'il y a une erreur au niveau de la localisation du château de Marcheras sur la carte de Jean Froissart, laquelle a pu être dessinée bien après son passage en Bigorre, ce qui a pu vous induire en erreur sur la localisation supposée de ce château au niveau de vos photos que vous posez sur les hauteurs de Lhez. Je m'explique: il serait logique de penser que le Marcheras décrit, soit l'actuel Mascaras, surtout que le blason de cette commune fait apparaître un château alors que ce n'est le cas pour aucune autre commune des alentours. De plus, les anciens parlent du haut du village comme de l'ancien château, ce qui est possible car avant la construction fin du XIXe siècle de l'église en bas du village, celle-ci se trouvait (voir le cadastre de 1823) au point le plus haut, et sachant qu'au XVe siècle on détruisait les châteaux devenus inutiles pour en faire des églises, le lien pourrait être crédible. De plus, entre le mur de l'actuel cimetière et la maison du 1 chemin Aiguillon, il existe une découpe dans le sol dont la forme pourrait laisser penser aux restes d'un ancien fossé défensif. Mon hypothèse est donc que si Mascaras est le Marcheras de Froissart, le château devrait donc se situer sur la carte de l'autre côté de la rivière aujourd'hui nommie l'Arrêt-Darré à la place de l'actuel cimetière. De plus, votre positionnement sur la crête de Lhez, laisserait penser qu'empruntant le tracé de l'actuelle RD817 (ancienne RN117), les Anglais seraient passés pratiquement sous les murs d'une place forte du parti Français, ce qui serait plutôt impensable, voire suicidaire.

D'autre part, il m'a été dit à Mascaras, que l'ancien chemin qui reliait Tournay à Tarbes passait non pas sur le tracé de l'actuelle RD817, mais par un cheminement qui, provenant de Tournay par Bordes en passant par les hauts de collines, arrivait sur la crête de Lhez et descendait vers l'Arrêt par le chemin qui débute au niveau du monument aux Morts (photos jointes). Aujourd'hui, par ce chemin, on traverse l'Arrêt au moyen d'un petit pont aux rambardes rouillées et le chemin continue à travers bois vers Mascaras. A cet endroit, le passage de l'Arrêt est moins profond que l'arrivée de la 817 sur la rivière qui semble plus abrupt, le tout ramené au XIVe siècle avant que des remblais soient réalisés et le pont construit plus probable de l'époque post-Napoléonienne. Si cette version était la bonne, il faudrait déplacer le lieu de la bataille de quelques centaines de mètres plus au nord, de l'autre côté du pont de l'autoroute. D'ailleurs des recherches sur Mascaras permettent de trouver que l'activité principale de ses habitants était d'assister les transports de marchandises pour franchir les côtes par le renfort d'attelages. Vu le dénivelé du chemin venant de Lhez, cette activité parait plausible pour l'époque. ».
Merci beaucoup à M. Dubois pour cette contribution à notre site. Vous trouverez ci-dessous ses essais de localisation :

L'arrivée du chemin qui descend du monument aux Morts de Lhez.

Le pont pour traverser l'Arrêt.

Après le pont, le champ où aurait pu se dérouler la bataille.

Le champ possible de la bataille avec au fond le viaduc de l'autoroute vu du nord.

Après le pont le « vieux » chemin qui remonte au bout de 100m à gauche vers Mascaras.

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Jean Froissart

Le viaduc de L'Arrêt-Darré à Mascaras (autoroute)

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