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La source du Bagnet

à Campan

La commune de Campan a exploité,  au hameau de Gripp-Artigues, les Thermes du Bagnet jusqu'au 6 janvier 1895, date de leur destruction par une avalanche. On peut se rendre sur les lieux en voiture ; pour cela tourner au hameau d'Artigues puis prendre la première à gauche avant les habitations. On peut aussi partir de Gripp.

Si vous voulez rejoindre la fontaine du Bagnet à pied depuis Gripp, cela ne pose aucune difficulté, il faut prendre la direction de la centrale électrique et aller un peu plus loin jusqu’au pont. A pied depuis Artigues (compter 40 minutes environ). Il suffit de longer le plan d’eau sur la droite, mais le sentier n'est pas balisé et plutôt réservé à des marcheurs confirmés (quelques passages délicats).

Se garer près du pont. L'établissement a été détruit mais l'eau de la source s'écoule toujours d'une fontaine (entourée de rouge).

Les travaux de premier captage de cette source avaient été entrepris en 1854. M. Gaye, le maire de Campan de cette époque, fit construire l'établissement thermal comprenant une buvette et cinq cabines de bains. Les eaux émergeaient sous l'établissement même, par plusieurs jets entraînant du sable et laissant dégager par intervalles de nombreuses bulles de gaz.

La source sulfureuse (d'où l'odeur forte et le goût caractéristique), sodique et iodurée était connue depuis très longtemps. Elle était employée avec succès dans les maladies chroniques de poitrine, bronchites, phtisie, laryngites, asthme, rhumatismes, maladies de peau... Sa température de 15° la rendait éminemment propre à l'exportation. Comme l'eau de Labassère, elle se prêtait à toutes les indications du traitement à domicile. Ces eaux sortant d'une roche schisteuse calcaire très dure, ont fait l'objet d'une mention honorable spéciale à l'Exposition Universelle de 1878. Bagnet est un mot de la même famille que Bagnères, bain, baignoire...

Nous sommes à l'altitude de 1050 mètres et difficile de croire qu'un établissement thermal existait à cet  endroit. Pourtant, l'instituteur de Campan M. Clavère, parle en 1887 de l'établissement  « assez coquet qui se compose d'un corps principal de bâtiment, élevé d'un comble, contenant une buvette et cinq cabinets de bains propres et assez spacieux ».

Nous sommes en aval d'Artigues, au bord de l'Adour de Gripp, dans un cadre magnifique. Un peu plus haut à Artigues, allez visiter les deux belles cascades du Garet et d'Arizes.

Le beau panorama du bois du Benqué et ses sommets de 2000 mètres (rive gauche). De l'autre côté (rive droite) se trouve le bois de la Litbère. Les anciens devaient savoir que « Lit » signifie « avalanche » en occitan et devaient savoir que l’emplacement était périlleux.

Photo ancienne évoquant les anciens thermes. La photo n'est pas prise à l'endroit exact (qui est un peu plus en aval).

Pour en savoir un peu plus :

Voici ce qu'écrit en 1834 Ariste Pambrun dans Bagnères-de-Bigorre et ses environs : « Avant d'arriver à la première cascade qu'on avait déjà depuis longtemps aperçue, on rencontre à cinq ou six minutes de l'auberge, sur la rive droite de l'Adour, une source appelée Le Bagnet dont l'odeur hépatique frappe fortement l'odorat, malgré la vivacité de l'air qui doit en diviser promptement les molécules sulfureuses. Afin de la garantir des infiltrations de l'Adour, M. Soucaze, ancien notaire de Campan, avait voulu, dans l'intérêt de l'humanité, fixer sur cette source les regards de la commune. Pour la conserver dans toute la pureté de ses principes, il l'avait fait entourer à ses frais d'un mur qui s'élève encore à un pied au-dessus du sol : mais les travaux n'ayant pas été continués, elle fut de nouveau envahie par l'Adour. Cependant, malgré le mélange de ses eaux, elle a 17 à 18 degrés, et l'on voit sur tous les points où elle coule, des amas d'une matière floconneuse et blanchâtre, qui prouvent combien doivent être fortement prononcés les principes sulfureux qu'elle renferme. Soumis à quelques analyses, peu sérieuses à la vérité, ces principes ont été reconnus être de même nature que ceux des sources de Barèges. Pourquoi donc la commune de Campan, ne fût-ce que dans le seul intérêt hygiénique des habitants de ces vallées, ne s'est-elle jamais occupée d'utiliser une eau si précieuse, alors surtout qu'elle pouvait le faire avec aussi peu de frais ? Elle n'avait qu'à détourner sur un autre point le bras de l'Adour dont le voisinage l'altérait, et l'exécution de ce travail était aussi facile que peu coûteuse. En élevant ensuite un petit bâtiment, où elle eût établi deux baignoires, elle faisait non seulement un acte d'humanité, mais encore un acte dont elle pouvait, sous le rapport de l'intérêt pécuniaire, retirer un immense avantage. Au-dessus de la cascade du Garet est une autre source sulfureuse d'une haute température. On voit en hiver s'élever, du point où elle se trouve, une épaisse vapeur. Peut-être celle du Bagnet qui par les infiltrations de l'Adour a perdu presque tout son calorique, n'en est-elle qu'une déviation. La nature semble avoir tout fait pour elle. Douée, d'un côté, de principes éminemment sulfureux, et située de l'autre, à l'extrémité d'une des plus jolies vallées des Pyrénées, à trois lieues de Bagnères, dont elle n'est séparée que par un immense jardin, nul doute que les bains qu'on pourrait créer sur le charmant plateau de Lartigue n'en fissent, dans peu d'années, un endroit de délices et de vogue... Que la commune de Campan sache donc enfin apprécier les trésors qu'elle possède... »

C'est une digue. Cette digue, construite en même temps que les thermes, servait à ce que les eaux de l'Adour ne se mélangent pas aux eaux du Bagnet en cas de crue.

Un peu plus en amont de la fontaine (500 m. environ), voici une jolie petite cascade.

A côté de la cascade, une construction ancienne.

Xavier Ravier a publié en 1986 un ouvrage intitulé Le récit mythologique en Haute-Bigorre. On y apprend qu"auparavant le lieu s'écrivait Banhét, mais surtout nous trouvons deux témoignages oraux que l'auteur a retranscrit exactement : Premier témoignage de Léon Carrère (né à Cabadur, quartier de Campan) : « Il y avait un propriétaire qui possédait une grange au quartier des Espounetes : il fut intrigué par un mouton de son troupeau qui chaque jour allait boire, qui se détachait de son troupeau pour aller toujours boire en cet endroit ; il voulut se rendre compte, savoir pourquoi la bête allait boire dans cette fontaine : il remarqua que cette fontaine contenait quelque chose comme de l'eau minérale, mais cette eau était plutôt sulfureuse que minérale. Après cette découverte, plus tard, mais alors l'époque je ne puis la dire, je ne la connais pas, on y avait même bâti une église : le quartier s'appelle encore "le plan de l'église". Par la suite, on y bâtit un établissement afin de pouvoir s'y baigner, sur le devant il y avait un bout de cabane et l'on faisait chauffer l'eau dans une grande marmite pour pouvoir se baigner et pour que l'eau fût tiède ou chaude. Et une fois que cet établissement fût bâti, il y avait une salle au fond, à l'extrémité du bâtiment, on pouvait y dire la messe, un autel y était aménagé, mais l'église, cela je ne l'ai pas vu moi, j'avais sept ou huit ans, tout cela disparut, ce fut emporté par une inondation qui commença par raser une partie de l'établissement ; c'était durant l'année 1895 que cela se passa : deux ans après, je me trompe, ce n'était pas une inondation, c'était une avalanche, une avalanche qui commença de raser l'établissement et cette avalanche descendait des hauteurs de la montagne d'Arizes et elle passait par l'embranchement de l'Artigue et elle alla faire tomber un morceau du bois qui se trouve à la cascade du Bagnét, comme on l'appelle. Et alors l'établissement fut rasé, pas complètement, mais la toiture, tout cela, ce fut emporté par l'avalanche en 1895. Deux ans après, l'inondation, en 1897, finit de le raser complètement l'établissement ; mais l'eau est quand même restée. Puis la malveillance de l'un et de l'autre, on y lance des pierres, finalement la commune voulut faire des réparations : mais quand ils furent sur la source, ils n'osèrent pas y toucher, ils eurent peur, ils n'étaient peut-être pas capables pour refaire cette prise d'eau ; ils y bâtirent un bout de chambre avec un tuyau pour mener l'eau à l'extérieur, mais tout cela s'est arrêté sans autre résultat ; dernièrement, voici deux ou trois ans, le maire de Campan voulut la mener un peu plus bas, de telle manière qu'on l'ait à portée afin d'en puiser : ainsi l'eau arrive maintenant au pont du Bagnét. ». Deuxième témoignage de Pierre Carrère (né à Cabadur, quartier de Campan) : « C'était un berger, nomme Baylac-Pujole, qui avait remarqué qu'un de ses moutons partait toujours dans la même direction. Ce berger, intrigué, avait suivi la bête et il avait remarqué qu'elle allait boire à une source au bord de l'Adour ; et le berger a bien remarqué que la source avait un goût particulier : c'était la source du Bagnét. La source aurait été découverte ainsi. »

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Le Pont du Bagnet, vers 1910.

Si le coeur vous en dit, vous pouvez continuer sur la rive droite de l'Adour (c’est à dire côté gauche en montant) et aller admirer la belle cascade du Bagnet. Mais attention, le chemin est périlleux et plutôt réservé aux marcheurs avertis (compter 15 minutes environ).

Photo exceptionnelle des Thermes du Bagnet à Campan avant leur destruction par une avalanche en 1895. Nous avons trouvé cette photo en 2013 chez nos amis de l’association « Les amis de Madame Campan », que nous remercions pour avoir bien voulu partager ce cliché rarissime avec nous.

site des "Amis de Madame Campan".