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Une vache légendaire

à Montgaillard

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Nous avons retrouvé une vieille légende des Pyrénées : « Le Pasteur de 909 ans », dont des variantes plus connues s'appellent Mulat-Barbe, Millaris, La vache rousse. On trouve cette légende dans « Les légendes des Pyrénées » d'Eugène Cordier en 1855. Vous y apprendrez comment les lieux de Montgaillard, de la Croix de Beliou et les Thermes de Bagnères-de-Bigorre sont liés par une même légende.

Avant-propos de l'auteur Eugène Cordier :  

« Au moment où l'esprit de légende, cette force vivante du passé, s'affaiblit et meurt chaque jour, sur tous les points de France, il importe de recueillir, sans délai, ses meilleures créations : bientôt, il ne sera plus temps. Le peuple marche à pas de géant dans l'avenir... »

Le Pasteur de 909 ans.

« Transportons-nous dans les vallons d'Arize, immenses pacages, racines du mont qu'on appelle le Pic-du-Midi de Bagnères : là vivait, dans des temps reculés, un très vieux pasteur ; là il paissait ses troupeaux et il n'avait jamais neigé sur la montagne. Or, il venait d'atteindre sa neuf cent neuvième année, lorsqu'il vit, pour la première fois, tomber la neige, et, la voyant, il connut que sa fin était proche et appela ses deux fils. Ceux-ci, qui le savaient très vieux et qui considéraient parfois la longue barbe de mousse qui pendait au menton de leur père, comme à un sapin antique, avaient essayé de ranimer ses forces en lui portant du vin. Le vieillard y trempa ses lèvres et les trempa encore : "De quel arbre est ce fruit", dit-il. "Ce n'est point fruit de la ronce", répliquèrent, en souriant, ses fils. Mais la liqueur généreuse et nouvelle ne lui donna qu'un plaisir passager, alluma son vieux sang une minute : ce fut la flamme la plus haute et dernière d'une lampe qui s'éteint. Et à la première neige, qui descendit sans relâche : "Mes fils, dit-il, je meurs, voici ma fin prochaine ; rien ne peut à présent me retenir parmi vous ; je le savais, cela me fut prédit : ces blancs flocons sont mon linceul qui vient, qui se déploie, qui tombe. Mais vous, prenez courage et suivez, quand je ne serai plus, cette belle vache à la bruyante sonnette. Elle vous mènera d'abord dans la région des eaux chaudes, à Bagnères : là doivent s'élever des thermes bienfaisants. Allez toujours où elle vous conduira, et où elle s'arrêtera, arrêtez-vous. Le vieux berger, le patriarche, l'ancien des anciens, le grand-maître dans l'art des guérisons, l'inventeur des remèdes puissants composés de simples herbes et du lait des brebis, l'Esculape, le Pan des Pyrénées, mourut alors. Malgré sa science profonde, utile, malgré les grandeurs vraies de sa vie, nul poète inspiré ne chanta ses vertus ; il mourut, au bruit sourd, étouffé, de la neige qui tombe, et l'immense linceul s'étendit, s'amassa. Alors ses fils, voyant la vache prête (elle partait), ils la suivirent, pieux observateurs de la volonté du mourant. Elle fut d'abord, eux après elle, aux merveilleuses sources thermales connues sous le nom de sources de Bagnères. Et il neigeait toujours. Alors la vache, dont la sonnette faisait un tintement étouffé à tout moment par l'atmosphère enneigée, partit encore, sans hésiter, tout droit ; un esprit supérieur la guidait. Et, descendant les bords de l'Adour, torrent jadis aurifère, qui ne roule aujourd'hui que des eaux et des rocs parfois tumultueux, elle s'arrêta au lieu où s'élève le riche et beau village de Montgaillard. Là, les fils du pasteur s'arrêtèrent aussi. Et il ne neigait plus. Un rocher conserve, au-dessus du village, avec la forme de la vache d'Arize, la mémoire de cet évènement. Et depuis lors, il a toujours neigé dans la montagne. Cependant le corps du grand pasteur ne resta point privé de sépulture ; on l'inhuma pieusement, et la terre fut ornée en cette place d'un marbre blanc, sur lequel parurent gravés des caractères inconnus.

Cet endroit, c'est la Croix de Beliou (vers Lesponne).

Une fois, d'audacieux sacrilèges, violant la sainteté de ce tombeau, enlevèrent le marbre. Mais il commença à pleuvoir, et la pluie dura quarante jours sans trève. Alors, il fallut bien rendre sa pierre au mort irrité. Telle est la légende : ainsi se coucha dans la terre le grand pasteur d'Arize, ainsi eut-il pour dernier vêtement la première et merveilleuse neige que versa le ciel sur les vallées profondes des Pyrénées, dans un temps qui n'a pas d'histoire. »

Habitants de Montgaillard et des villages voisins, ou simples promeneurs, partez à la recherche du rocher de la vache d'Arize au-dessus du village de Montgaillard. Et si vous le trouvez, prévenez-nous ! Si vous ne le trouvez pas, vous pourrez vous promener en montagne pour admirer la Croix de Beliou et les superbes paysages qui l'entourent. Dans les deux cas, vous passerez un bon moment et vous pourrez méditer sur cette belle légende.

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